Il est connu de ses pairs mais un peu moins du grand public. Pourtant, Patrice Neveu est un grand entraineur Français qui a parcouru le monde pour vivre sa passion du football et des Hommes. Rencontre avec un homme au grand coeur. Passionnant !
Qui es-tu Patrice Neveu ?
Je suis un ancien footballeur devenu aujourd’hui entraîneur professionnel. Depuis 1998, je me suis expatrié à l’étranger pour exercer et vivre ma passion sur d’autres continents au plus haut niveau. Je suis marié et père de deux enfants.
Pourquoi avoir choisi le football pendant ta jeunesse en Eure et Loire ?
Je suis né à Prêt Saint Evroult, mon père jouait dans l’équipe du village. Dès mon plus jeune âge, j’ai baigné dans une atmosphère football. Mon père jouait au football et chaque dimanche j’avais la chance de l’accompagner. Au vestiaire, j’ai encore en mémoire l’odeur de l’embrocation siamoise que les joueurs se passaient sur les jambes pour échauffer leurs muscles. Bien évidemment, je trouvais toujours le moyen de récupérer un ballon et avec mes copains on tapait dans le ballon à n’en plus finir. L’ambiance, cet esprit d’équipe, de camaraderie, m’a inévitablement marqué. Après les matchs on se retrouvait au bistro du village pour une 3ème mi–temps d’amitié et de fraternité. Je buvais mon diabolo menthe au milieu de tous ces adultes. J’ai deux frères et une sœur qui pratiquaient tous le football. Le dimanche midi, avant de partir au match, nous parlions football encore et encore devant les bons plats de maman. Mon Papa m’a emmené voir les grands matchs de D2 à Blois et à Chartres. Sans lui dire, je n’avais qu’une idée en tête : devenir un des joueurs de ces équipes et passer pro !
Comment as-tu été repéré pour devenir professionnel ?
Ma carrière de joueur comme celle d’entraîneur est très atypique ! Mon envie et mon mental sont les fondements de ce parcours. Je n’ai pas l’âme d’un calculateur mais j’ai toujours su ce que je voulais devenir. Je devais effectuer mon service militaire au Bataillon de Joinville mais au dernier moment, l’administration m’indiqua que je ne pouvais intégrer cette promotion. Pour me permettre de m’entraîner à l’OC Châteaudun et ne pas perdre mes acquis, je fus donc incorporé à Orléans. Je jouais également au sein de l’équipe de la caserne. A la fin d’un match, un adjudant est venu me demander : « Petit, cela t’intéresse de devenir professionnel car je connais Henri Skiba, le coach d’Angoulême. Je peux t’y envoyer à l’essai. J’acceptais et après une période d’essai, j’ai signé à l’AS Angoulême. Mon ami Alain Moizan a suivi la même trajectoire de club et de recrutement.
Raconte-nous tes aventures de joueur (Châteaudun, Angoulême, Chartres, La Rochelle, l’Ile d’Elle) où tu étais un joueur de devoir et de caractère. Et souvent capitaine ?
Dans la plupart des équipes où j’ai évolué, j’étais capitaine. Ma passion et la globalité de mes qualités faisaient de moi un leader naturel. Ma position au milieu du terrain me permettait de diriger et de soutenir mes partenaires. Jeune, je conseillais beaucoup mes copains. Naturellement je montrais l’exemple que ce soit en catégorie “cadet” et “juniors”. En seniors, j’ai eu des partenaires qui avaient talent et classe. Certains auraient pu en faire leur métier mais ils n’avaient pas le mental ou la force de faire abstraction des loisirs ou de la concurrence. J’ai très vite perçu que pour prétendre réussir, il fallait tout donner et avoir un mental de feu, ne pas se plaindre. Mais également écouter et progresser. Sur le terrain j’ai toujours eu cette hargne, je déteste perdre. Et à ce jour, ça n’a pas changé. Joueur de devoir, je l’ai été parfois dans des équipes où les coachs faisaient pratiquer aux joueurs le marquage individuel. J’évoluais en tant que “numéro 6” (milieu défensif). Mais ce rôle a évolué, j’étais celui par lequel le jeu transitait. J’orientais, j’avais en moi l’envie de faire briller l’équipe avant moi.
“A une époque, les rapports humains avaient un poids considérable”
Une histoire marquante de ta carrière de joueur ?
J’en ai beaucoup. Quand j’ai quitté Angoulême pour Chartres en D3, je n’avais toujours pas fait une croix sur mon envie de passer pro. En 1975, nous affrontions le FC Rouen avec l’AS Angoulême et j’avais mis Daniel Horlaville sous l’éteignoir ! Quelque temps plus tard, en pleine préparation d’avant saison avec le VS Chartres, à la fin d’un match amical, un dirigeant du FC Rouen me demanda si j’étais intéressé pour signer pro. Je devais venir jouer un amical le mardi. Je préviens donc mon coach de l’époque, Mr Claude Latron qui me fit sortir au bout de vingt minutes lors du match amical suivant, prétextant une blessure. Le mardi, j’étais à Rouen où tout se passa très bien. Après le match, l’entraîneur Pancho Gonzales donna son accord aux dirigeants. J’acceptais de mon côté les modalités du contrat. Mais la nouvelle de ma venue était remontée jusqu’à France Football. De retour à Chartres, un de mes dirigeants m’appelle et me prévient : « Tu ne signeras pas à Rouen. Le président de Rouen Mr Monin et ton président Mr Eprinchard sont de très grands amis. Mais le président ne veut pas te laisser partir ». Tout cela alors que j’étais sous contrat promotionnel, ce qui signifie que je pouvais me libérer et signer pro. Je n’ai jamais eu de retour de Rouen : mon président m’avait bel et bien bloqué. Longtemps je lui en ai voulu : je ne lui adressais plus la parole. Un jour il est venu me parler pour se justifier et je lui ai pardonné. C’était une autre époque où les rapports humains avaient un poids considérable.
Pourquoi avoir passé tes diplômes d’entraineur très tôt ?
Dés l’âge de 20 ans, et sur mon jour de repos je coachais une équipe de jeunes. Sans rien me dire mon père m’avait inscrit à une session pour passer le 1er degré en me disant « garçon, ce sera toujours bien pour toi ». C’est ainsi que lors de l’examen final je me suis retrouvé avec des vieux briscards de 30 à 40 ans. Facilement, j’ai eu la note au dessus de 12 qui m’a permis de me présenter au 2ème degré.
Tes débuts d’entraineur sont fracassants ! Raconte-nous l’aventure et les montées successives à Fontenay-le-Comte ?
J’ai été recruté par Fontenay-le-Comte au moment de la fusion des 2 clubs, le SAF et l’Etoile. Le club comptait plus de 500 licenciés. J’avais 3 ans pour organiser le club et le faire accéder au niveau national. A mes débuts, j’avais ma conception du jeu qui devait se « fabriquer » en repartant de l’arrière. J’ai vite compris que toute ma carrière, je devrais composer avec le potentiel technique et physique de mes joueurs. Ainsi dès ma prise de fonction à Fontenay j’ai mis en place une organisation basée sur “la gagne”. Nous avons validé les montées de DH en CFA 2 puis en CFA. J’étais persuadé d’en faire un futur Auxerre, mon modèle de l’époque. Mais en CFA, les finances du club étaient trop modestes. Là encore, j’ai compris que malgré toutes mes qualités, je resterais tributaire des finances et de la qualité de mon effectif.
Puis tu retournes à Angoulême ?
Angoulême était en National et son équipe relégable. Quand j’y jouais, mon président était le docteur Diaccono. En 1998, il en était toujours le Président d’honneur. J’ai donc fait mon retour au club en tant qu’entraîneur. Ce fut une aventure exceptionnelle, riche en émotions, surtout en Coupe de France. Le ¼ de finale que nous avons joué m’a beaucoup médiatisé et au cours d’un échange avec un journaliste, j’exprimais mon souhait de quitter la France. Ce dernier me donna les coordonnées du baroudeur Belge Henri Depireux. On se lia très vite d’amitié et il me fit partager son carnet d’adresses. Au Maroc, le club de Rabat cherchait un remplaçant à Badou Zaki. C’est ainsi qu’avec l’appui d’Henri et de mon ami Philippe Troussier, j’ai débuté au Maroc. J’y suis arrivé seul. Dès ma prise de fonction, je me suis très vite adapté et j’ai commencé à apprécier et comprendre la culture. Mieux encore, je me suis senti revivre !
“En Europe et en France, le football a perdu ses vertus de plaisir d’union et de cohèsion”
L’Afrique, c’est un peu ta deuxième maison ?
L’Afrique est une terre d’expression, d’accueil, de vie épanouissante. Certes je suis connu pour mon caractère bien trempé mais j’adore les gens. Aujourd’hui, Haïti est un endroit où je me retrouve. Je vis le football comme je l’aime. C’est un jeu qui doit procurer de l’émotion. Malheureusement, je constate en Europe et en France que ce jeu a perdu ses vertus de plaisir, d’union, de cohésion. Sa modernisation l’a appauvri humainement. Dans ces pays, le football est magique, c’est une religion. Il est porteur de joie incommensurable. Certes la pression y est très forte. Ce fut le cas sur ces 18 années de parcours. Mais en ma qualité de technicien, je m’y retrouve. Bien évidement les sensations des matchs de haut niveau m’exaltent. J’apprécie aussi de scruter les jeunes talents et de tout faire pour leur offrir la possibilité d’exercer leur passion, leur métier à l’étranger. Aussi, je crois à cette pré-formation faite d’instinct, de football de rue où le plaisir est le premier moteur. S’il est vrai que ces pays manquent parfois de moyens dans divers domaines, ils sont très riches humainement et pour moi cela n’a pas de prix. C’est essentiel.
La CAN, c’est vraiment spécial ?
La CAN implique une mobilisation totale en Afrique. Rien à voir avec un championnat d’Europe des Nations. Avant le départ, le chef d’État remet le drapeau au capitaine de l’équipe, aux joueurs. Au coach, il donne les dernières consignes à respecter. Là, on comprend l’importance d’être bon sur et hors du rectangle vert ! Tu te rends compte qu’en tant que sélectionneur, tu peux enlever des souffrances enfouies et redonner au peuple bonheur, fierté et une identité nationale. C’est un engouement hors du commun mais aussi une très forte pression sur le sélectionneur national. Mais si tu réussis, tu emmagasines expérience et émotions pour des années ! Comme disait l’un de mes formateurs, Mr Gaby Robert : le Coach toujours debout et de face !
En Mauritanie, tu es passé par toutes les émotions. Quelle aventure ?
Comme lors de toutes mes missions, je résidais seul au pays. Le climat y est rude et chaud. Mais au mental, j’ai réussi. Avec mon staff, le soutien de mon Président de Fédération et du secrétaire général, j’ai réussi à donner à la Mauritanie ce qu’elle méritait. Je sais que j’ai dérangé, que j’ai froissé des personnes mais c’était l’engagement que je devais y mettre pour valoriser ma mission. Dans l’exercice de son métier, le sélectionneur, et encore plus a l’étranger, doit maîtriser dés le départ ses convictions et avancer malgré les obstacles. Quand je suis arrivé, le pays était 206e à la FIFA, et à mon départ 91e. Ce fut un quotidien pendant lequel il m’a fallu chaque jour bâtir, me battre pour faire passer mes messages aux joueurs et entraîneurs locaux. Il a fallu me déplacer en Europe pour convaincre les joueurs Mauritaniens pros de venir jouer en sélection (Ba Adama, Diallo Guidileye ,Abdoul Ba, Khassa). Encore une fois ce fut une affaire d’hommes avec un Président de fédération et un secrétaire général décidés à faire valoir et grandir le football. J’ai beaucoup d’anecdotes certaines croustillantes, joyeuses et d’autres qui font mal. Nous avons pu donner au peuple cette 1ère qualification à une CAN. Ma fierté est qu’aujourd’hui ce que j’ai semé perdure en équipe A et chez les jeunes en Mauritanie.
Entraineur ou sélectionneur, où prends-tu le plus de plaisir ?
Le plaisir fut et reste mon carburant. Sans cette notion de plaisir tu ne peux faire carrière. C’est toujours le plaisir qui te permet d’affronter et de passer sur les difficultés. Le plaisir, tu l’emmagasines aussi lors d’événements. En tant qu’entraîneur, j’ai pris énormément de plaisir et ma « mutation » en qualité de sélectionneur s’est faite naturellement .Tu peux être fait pour un poste mais pas pour l’autre et vice-versa car ils sont très différents. Aujourd’hui je m’éclate dans mon rôle de sélectionneur qui est plus large que celui d’entraîneur.
La Chine, c’était plus un choix de vie que pour le football ?
La Chine fut une opportunité qui m’a été offerte par un agent chinois. Au moment du contact, j’entraînais en D1 tunisienne. Je n’avais en tête que les clichés des médias sur la Chine. Lorsque je suis arrivé, la qualité des installations m’a plu, les moyens mis à disposition par les PDG des clubs sont pour un coach la garantie de pouvoir travailler dans de très bonnes conditions, identiques à celle d’un club pro en France. J’ai eu la chance d’avoir un interprète qui avait travaillé avec Henri Kasperczak lorsqu’il coachait en Chine. Grâce à ce Monsieur, j’ai vite compris et apprécié la vie en Chine. Tu n’es surtout pas là pour juger, il te faut assimiler le mode de vie, apprécier la nourriture et plus encore. Un coup de blues peut être fatal alors à toi sur place d’échafauder ta vie, tes protections, tes repères pour que chaque nouveau jour ne soit que du bonheur. En Chine, j’ai passé une année avec Nicolas Ouedec qui est devenu mon fidèle ami, ainsi que sa famille. Un grand joueur, du talent et un fort caractère, un mec d’une droiture exemplaire .Quand tu passes un an auprès de lui, tu comprends mieux aussi pourquoi il a réussi, car il a un gros mental.
Quels joueurs t’ont le plus marqué en Afrique ?
Beaucoup et pour plein de raisons différentes. Pascal Feindouno, c’est la classe. Il inspire la joie de jouer ! D’autres pour leurs parcours, leurs qualités humaines, leur histoire de vie comme Mansaré, Bobo Baldé, Kaba Diawara, Pablo Thiam, Trésor Lualua ,Tresor Mputu sont de grands Hommes. Mais aussi des joueurs locaux totalement méconnus, des Guinéens comme Mamadi Kaba ou les Mauritaniens Bakayoko, Bessam ou Adama Bah.
Et en Chine ?
Sur la Chine il me revient juste en tête une réflexion où je pourrais longtemps philosopher sur l’ambiance des vestiaires avant un match. La Chine a ses spécificités !
Aujourd’hui, tu es sélectionneur d’Haïti. Comment es-tu arrivé ici ?
Mon Président Yves Jean-Bart souhaitait recruter un technicien Français expérimenté pour sa capacité à vivre l’expatriation. Voilà comment j’ai été contacté.
Quels sont les objectifs ?
Au présent, c’est faire honneur à Haïti lors de la prochaine Copa America du centenaire. Haïti est un pays qui a traversé ces difficultés et qui a force de courage avec son peuple fait tout pour les surmonter. Mais que c’est compliqué…
Une des plus grandes retombées économiques d’Haïti devrait être son tourisme. C’est le moment de véhiculer au monde la vraie métaphore et échos d’Haïti. Je vis sur place à Haïti. Ce pays est magnifique, la beauté des paysages, son prestigieux carnaval, sa musique essentielle pour le quotidien de chaque Haïtiens. La pression au pays est colossale et va monter. à l’approche de la 1ère participation de Haïti à la Copa America, l’année de son Centenario. Elle se joue aux USA, pays où résident 1 millions d’Haïtiens. Les 16 équipes participantes sont de très haut niveau .Nous sommes dans le groupe B avec le Pérou, le Brésil et l’Équateur.
Les clubs Français ne te contactent pas ou tu n’as pas envie de revenir “au pays” ?
J’ai quitté la France pour l’étranger en 1998. Ce fut un choix mûrement réfléchi, tellement mon envie de m’exprimer au plus haut niveau dans le football me possédait. 18 ans après, je me dis : “Patrice, que de moments coriaces à vivre à surmonter mais aussi des plus enivrants humainement”. Et ceux-là n’ont pas de prix.
Que conseillerais-tu aux jeunes qui souhaiteraient devenir entraineur ?
Entraîner est une passion avant d’être un métier. S’ils ont cette fibre, qu’ils vivent cette passion sans retenue en prenant en considération que leurs joueurs sont des hommes (ou femmes) et que le métier est le fruit d’une association d’humains où l’art de faire passer ses messages sera prédominant. Certes le métier a évolué et il faut suivre l’évolution sans toucher aux valeurs d’intégrité. Il faut toujours faire ses choix de système de jeu, d’équipe en ton âme et conscience (malgré les pressions). Ce qui n’exclut pas le dialogue.
L’Afrique, c’est un peu ta deuxième maison ?
L’Afrique est une terre d’expression, d’accueil, de vie épanouissante. Certes je suis connu pour mon caractère bien trempé mais j’adore les gens. Aujourd’hui, Haïti est un endroit où je me retrouve. Je vis le football comme je l’aime. C’est un jeu qui doit procurer de l’émotion. Malheureusement, je constate en Europe et en France que ce jeu a perdu ses vertus de plaisir, d’union, de cohésion. Sa modernisation l’a appauvri humainement. Dans ces pays, le football est magique, c’est une religion. Il est porteur de joie incommensurable. Certes la pression y est très forte. Ce fut le cas sur ces 18 années de parcours. Mais en ma qualité de technicien, je m’y retrouve. Bien évidement les sensations des matchs de haut niveau m’exaltent. J’apprécie aussi de scruter les jeunes talents et de tout faire pour leur offrir la possibilité d’exercer leur passion, leur métier à l’étranger. Aussi, je crois à cette pré-formation faite d’instinct, de football de rue où le plaisir est le premier moteur. S’il est vrai que ces pays manquent parfois de moyens dans divers domaines, ils sont très riches humainement et pour moi cela n’a pas de prix. C’est essentiel.
La CAN, c’est vraiment spécial ?
La CAN implique une mobilisation totale en Afrique. Rien à voir avec un championnat d’Europe des Nations. Avant le départ, le chef d’État remet le drapeau au capitaine de l’équipe, aux joueurs. Au coach, il donne les dernières consignes à respecter. Là, on comprend l’importance d’être bon sur et hors du rectangle vert ! Tu te rends compte qu’en tant que sélectionneur, tu peux enlever des souffrances enfouies et redonner au peuple bonheur, fierté et une identité nationale. C’est un engouement hors du commun mais aussi une très forte pression sur le sélectionneur national. Mais si tu réussis, tu emmagasines expérience et émotions pour des années ! Comme disait l’un de mes formateurs, Mr Gaby Robert : le Coach toujours debout et de face !
En Mauritanie, tu es passé par toutes les émotions. Quelle aventure ?
Comme lors de toutes mes missions, je résidais seul au pays. Le climat y est rude et chaud. Mais au mental, j’ai réussi. Avec mon staff, le soutien de mon Président de Fédération et du secrétaire général, j’ai réussi à donner à la Mauritanie ce qu’elle méritait. Je sais que j’ai dérangé, que j’ai froissé des personnes mais c’était l’engagement que je devais y mettre pour valoriser ma mission. Dans l’exercice de son métier, le sélectionneur, et encore plus a l’étranger, doit maîtriser dés le départ ses convictions et avancer malgré les obstacles. Quand je suis arrivé, le pays était 206e à la FIFA, et à mon départ 91e. Ce fut un quotidien pendant lequel il m’a fallu chaque jour bâtir, me battre pour faire passer mes messages aux joueurs et entraîneurs locaux. Il a fallu me déplacer en Europe pour convaincre les joueurs Mauritaniens pros de venir jouer en sélection (Ba Adama, Diallo Guidileye ,Abdoul Ba, Khassa). Encore une fois ce fut une affaire d’hommes avec un Président de fédération et un secrétaire général décidés à faire valoir et grandir le football. J’ai beaucoup d’anecdotes certaines croustillantes, joyeuses et d’autres qui font mal. Nous avons pu donner au peuple cette 1ère qualification à une CAN. Ma fierté est qu’aujourd’hui ce que j’ai semé perdure en équipe A et chez les jeunes en Mauritanie.
Entraineur ou sélectionneur, où prends-tu le plus de plaisir ?
Le plaisir fut et reste mon carburant. Sans cette notion de plaisir tu ne peux faire carrière. C’est toujours le plaisir qui te permet d’affronter et de passer sur les difficultés. Le plaisir, tu l’emmagasines aussi lors d’événements. En tant qu’entraîneur, j’ai pris énormément de plaisir et ma « mutation » en qualité de sélectionneur s’est faite naturellement .Tu peux être fait pour un poste mais pas pour l’autre et vice-versa car ils sont très différents. Aujourd’hui je m’éclate dans mon rôle de sélectionneur qui est plus large que celui d’entraîneur.
La Chine, c’était plus un choix de vie que pour le football ?
La Chine fut une opportunité qui m’a été offerte par un agent chinois. Au moment du contact, j’entraînais en D1 tunisienne. Je n’avais en tête que les clichés des médias sur la Chine. Lorsque je suis arrivé, la qualité des installations m’a plu, les moyens mis à disposition par les PDG des clubs sont pour un coach la garantie de pouvoir travailler dans de très bonnes conditions, identiques à celle d’un club pro en France. J’ai eu la chance d’avoir un interprète qui avait travaillé avec Henri Kasperczak lorsqu’il coachait en Chine. Grâce à ce Monsieur, j’ai vite compris et apprécié la vie en Chine. Tu n’es surtout pas là pour juger, il te faut assimiler le mode de vie, apprécier la nourriture et plus encore. Un coup de blues peut être fatal alors à toi sur place d’échafauder ta vie, tes protections, tes repères pour que chaque nouveau jour ne soit que du bonheur. En Chine, j’ai passé une année avec Nicolas Ouedec qui est devenu mon fidèle ami, ainsi que sa famille. Un grand joueur, du talent et un fort caractère, un mec d’une droiture exemplaire .Quand tu passes un an auprès de lui, tu comprends mieux aussi pourquoi il a réussi, car il a un gros mental.
Quels joueurs t’ont le plus marqué en Afrique ?
Beaucoup et pour plein de raisons différentes. Pascal Feindouno, c’est la classe. Il inspire la joie de jouer ! D’autres pour leurs parcours, leurs qualités humaines, leur histoire de vie comme Mansaré, Bobo Baldé, Kaba Diawara, Pablo Thiam, Trésor Lualua ,Tresor Mputu sont de grands Hommes. Mais aussi des joueurs locaux totalement méconnus, des Guinéens comme Mamadi Kaba ou les Mauritaniens Bakayoko, Bessam ou Adama Bah.
Et en Chine ?
Sur la Chine il me revient juste en tête une réflexion où je pourrais longtemps philosopher sur l’ambiance des vestiaires avant un match. La Chine a ses spécificités !
Aujourd’hui, tu es sélectionneur d’Haïti. Comment es-tu arrivé ici ?
Mon Président Yves Jean-Bart souhaitait recruter un technicien Français expérimenté pour sa capacité à vivre l’expatriation. Voilà comment j’ai été contacté.
Quels sont les objectifs ?
Au présent, c’est faire honneur à Haïti lors de la prochaine Copa America du centenaire. Haïti est un pays qui a traversé ces difficultés et qui a force de courage avec son peuple fait tout pour les surmonter. Mais que c’est compliqué…
Une des plus grandes retombées économiques d’Haïti devrait être son tourisme. C’est le moment de véhiculer au monde la vraie métaphore et échos d’Haïti. Je vis sur place à Haïti. Ce pays est magnifique, la beauté des paysages, son prestigieux carnaval, sa musique essentielle pour le quotidien de chaque Haïtiens. La pression au pays est colossale et va monter. à l’approche de la 1ère participation de Haïti à la Copa America, l’année de son Centenario. Elle se joue aux USA, pays où résident 1 millions d’Haïtiens. Les 16 équipes participantes sont de très haut niveau .Nous sommes dans le groupe B avec le Pérou, le Brésil et l’Équateur.
Les clubs Français ne te contactent pas ou tu n’as pas envie de revenir “au pays” ?
J’ai quitté la France pour l’étranger en 1998. Ce fut un choix mûrement réfléchi, tellement mon envie de m’exprimer au plus haut niveau dans le football me possédait. 18 ans après, je me dis : “Patrice, que de moments coriaces à vivre à surmonter mais aussi des plus enivrants humainement”. Et ceux-là n’ont pas de prix.
Que conseillerais-tu aux jeunes qui souhaiteraient devenir entraineur ?
Entraîner est une passion avant d’être un métier. S’ils ont cette fibre, qu’ils vivent cette passion sans retenue en prenant en considération que leurs joueurs sont des hommes (ou femmes) et que le métier est le fruit d’une association d’humains où l’art de faire passer ses messages sera prédominant. Certes le métier a évolué et il faut suivre l’évolution sans toucher aux valeurs d’intégrité. Il faut toujours faire ses choix de système de jeu, d’équipe en ton âme et conscience (malgré les pressions). Ce qui n’exclut pas le dialogue.
Je leur dirais, passez vos diplômes mais soyez toujours en quête de vous améliorer car ce métier fabuleux n’a pas de limite. Restez humble, lucide dans les victoires car le lendemain c’est un autre match qui arrive.
Je leur dirais, passez vos diplômes mais soyez toujours en quête de vous améliorer car ce métier fabuleux n’a pas de limite. Restez humble, lucide dans les victoires car le lendemain c’est un autre match qui arrive.
“Le Football Français et sa Ligue 1 ne privilégie plus l’émotion pour les spectateurs. Ce qui nourrit et fait vibrer l’humain disparait”
Que penses-tu de la Ligue 1 et de l’équipe de France ?
Le football français, depuis l’arrivée des investisseurs étrangers, enclenche une nouvelle mutation qui me fait craindre le pire. Nous devons tout faire pour privilégier l’émotion pour les spectateurs, les peuples, le suspense. Le nivellement des équipes par l’argent a pris trop de place. C’est le cas pour le championnat français. Paris est en passe de tout gagner en France ! Laurent Blanc est un coach de très haut niveau. Mais suspens et émotions, ce qui nourrit et fait vibrer l’humain, disparaissent. Je me sens plus en adéquation avec ce que fait Lyon, Lille, Montpellier, Metz ou Luçon (dont je connais bien son grand président. Un 2ème Loulou Nicollin qui à mon désespoir se font de plus en plus rares !)
Suis-tu le Foot Féminin ?
Oui et encore plus en Haïti où mon président de Fédération accueille au quotidien au Ranch, 150 joueuses de tous âges (le Ranch est notre Clairefontaine). Dimanche dernier j’étais au Ranch pour visionner un match international U17 contre U20. Certaines filles pourraient jouer en Europe. Les clubs devraient venir les voir.
Quels sont tes rêves footballistiques pour le reste de ta carrière ?
Continuer à vibrer, à vivre au cœur des peuples, continuer à partager, à donner à mes joueurs. Dans quelques jours, je participe à la Copa America. Je n’aime pas me retourner et regarder derrière moi. Ce temps viendra lorsque j’aurais décidé de stopper. Le terrain, les compétitions restent mon art de vivre…..
Tu aimes faire quoi en dehors du foot ?
Être avec ma famille, mes ami(e)s, mes camarades. Même si je suis souvent dans la solitude du sélectionneur à l’étranger, ils sont ma force intérieure. Je me nourris aussi de musique, africaine, haïtienne ou française. Je ne suis pas grand connaisseur mais je suis très sensible aux sonorités qui décuplent en moi énergie et émotions. J’aime également découvrir et allez à la rencontre des peuples sur les îles, dans les villages.
Un dernier mot ?
Simplement, humblement, j’aimerais aussi que mon parcours donne volonté et croyance dans la carrière aux entraîneurs en poste ou les éducateurs en devenir. A la lecture de votre article mon espoir et que dirigeants et entraineurs prennent consciences de ce qu’ils peuvent devenir et ce qu’ils apportent dans leur club.
En France le bénévolat des dirigeants disparait là où en Afrique et dans les Caraïbes, il regorge. Sans ces gens, il n’y aurait pas de football de haut niveau, ni pour la jeunesse. Le gouvernement Français doit, par tous les moyens, encourager ces bénévoles qui s’investissent. Il faut encourager les gens qui s’investissent et qui s’engagent sans compter dans des actions humaines. Sortir de toutes ses obligations ou paperasseries fastidieuses qui bloquent les engagements.
Récompenser ses bénévoles ! Vivre la vie que nos ancêtres nous ont offerte est un don du ciel. Vivre dans la perfection serait trop triste, il faut vivre et s’éclater avec de vraies valeurs.
As-tu une exclu pour moi ?
Un jour, je souhaite me raconter dans un livre. J’ai un ami auquel je souhaite confier cette tâche. J’aimerais que ce récit soit romancé afin de ne blesser personne, tout en respectant le vestiaire car ce qui s’y est dit ou se fait, doit y rester !
Pour définitivement bien connaitre Patrice Neveu, « l’interview en un mot » :
Ton artiste : Richard Bohringer et Fabrice LUCCHINI
Ton film : Le jour le plus long
Ta chanteuse : Patricia Kaas
Ton chanteur : Jean Ferrat, Georges Moustaki
Ta série : Les émissions hebdomadaire sur les championnats Anglais et Français
Ton acteur (rice) : Josiane Balasko