Sabrina Viguier, l’expérience au service du Football Féminin

A 33 ans, son envie est toujours présente comme au premier jour. Après avoir tout gagné en France, Sabrina Viguier se lance un dernier défi, au printemps, en partant jouer en Suède. Rencontre avec une sage et talentueuse du foot féminin Français.

Qui êtes-vous Sabrina Viguier ?

Je suis joueuse de foot, j’évolue actuellement dans le club de Göteborg KFC. J’ai 33 ans et je joue depuis l’âge de 6 ans. J’ai joué dans différents clubs français : Laissac, Lioujas, Toulouse, Montpellier, Lyon avant de rejoindre la Suède. J’ai également joué en parallèle, 12 ans avec l’Equipe de France.

Vous avez suivi le cursus classique de votre intégration dans le foot (avec un milieu familial imprégné : Frère joueur, père entraineur, mère dirigeante) mais qu’est-ce qui vous a plu pour continuer surtout à l’âge difficile de l’adolescence ?

J’aimais le foot ! C’était mon truc, ma passion ! Je m’éclatais en faisant ça et c’est toujours le cas ! Je n’ai pas eu de problème à l’adolescence concernant la pratique du foot. Depuis petite, je jouais au foot et tout le monde le savait, j’étais acceptée comme cela même si le nombre de licenciées féminines était très faible à l’époque. Le seul petit frein que j’ai eu, c’est que je voulais continuer à jouer avec les garçons mais j’avais atteint la limite d’âge donc j’ai dû rejoindre une équipe féminine. Je n’avais rien connu d’autre que mon petit club de village à LAISSAC alors je ne voulais pas partir ! Mais ensuite j’ai rejoint le club féminin de LIOUJAS et cela s’est très bien passé.

Vous avez eu du mal à quitter Lioujas. On vous a un peu poussé à la faire pour continuer à progresser et à jouer en équipe de France jeune. Comment avez-vous vécu cette période de rupture amicale et familiale ?

Oui je suis un peu comme ça, je me plaisais à LIOUJAS, on gagnait tout au niveau régional, je m’amusais, on avait une bonne bande de copines alors c’est toujours difficile de partir. J’avais tous mes repères que ce soit familiaux ou amicaux dans l’Aveyron alors c’était un peu un brise-cœur. Mais encore une fois, une fois à Toulouse, je suis tombée dans une super équipe où j’ai eu les mêmes émotions à un niveau supérieur. On s’aperçoit que quand on part, on garde toujours contact avec les personnes avec qui les liens sont vrais. On se voit moins souvent mais c’est tout aussi fort.

Toulouse, Montpellier et Lyon, c’est à chaque fois une étape importante ?

Ça a été dur de quitter Toulouse aussi parce que je suis restée 7 ans là-bas et on a vécu de belles choses également. A côté de ça, j’avais ma vie en parallèle, mes amis du lycée étaient venus me rejoindre pour les études, j’avais créé d’autres liens par l’intermédiaire du travail, je faisais ma vie pépère… Mais côté foot, les ambitions du club n’étaient pas forcément à la hausse et ne me correspondaient plus…alors soit j’arrêtais, soit j’allais voir ailleurs… Et le club de Montpellier m’a contactée ! Je suis donc partie et encore une fois on a vécu une super saison. Après 4 ans j’étais prête à arrêter pensant avoir fait le tour mais Patrice Lair m’a contactée pour signer à Lyon et après deux jours de réflexion je me suis dit pourquoi pas, un dernier petit challenge … ça a duré 4 ans avec, comme vous le savez, tout ce que nous avons vécu. En fait, chaque étape m’a permis de me remotiver et de repartir à fond dans un nouveau cycle.

Quelle est la différence entre Toulouse, Champion de France et Lyon Champion de France ?

Au niveau de la qualité des joueuses, ce sont deux supers équipes ! Le groupe était moins large à Toulouse mais franchement, j’aimerais voir un match l’une contre l’autre, pour voir le résultat. On avait une belle équipe à Toulouse également, je pense que ce serait serré ! La principale différence, c’est qu’à Toulouse nous n’étions pas professionnelles même si on s’entraînait beaucoup et si les exigences étaient les mêmes. Les entraînements et les matches n’étaient pas un temps de travail mais un temps de loisir ! On passait la journée à l’école ou au travail et ensuite on allait s’entraîner. Il faut aimer ça ! Mais on aimait ça ! La plupart des filles étaient de la région, on avait moins de moyen mais l’équipe était belle aussi.

Vous avez remporté la coupe de France 5 fois avec trois clubs différents. Quelle a été la plus belle ?

Toutes parce que lorsque tu gagnes c’est toujours un bonheur ! Cependant, la première avec Toulouse était spéciale parce que c’était la première édition et on adorait cette grande Coupe. La première avec Montpellier aussi reste un bon souvenir parce que personne ne s’attendait à ce que l’on gagne mais nous avons vraiment gagné en équipe. Celle avec Lyon également nous a permis de faire le triplé. C’était historique et en plus c’est l’année où elle est devenue Coupe de France !

Vous avez connu le foot féminin amateur puis professionnel. C’est totalement différent comme vie ?

Oui c’est complètement différent. Quand tu es professionnelle, ton travail c’est le foot et le reste du temps tu te reposes, tu fais des soins, tu as beaucoup de temps de libre. Quand tu ne l’es pas, tu travailles et le reste du temps, tu joues au foot pendant ton temps de repos, ton temps libre. Mais il ne faut pas croire que c’est plus facile. Les fatigues sont différentes ! Quand tu fais les deux, tu es fatiguée parce que tu enchaînes tout mais tu te ressources mentalement parce que tu vois d’autres gens, tu parles d’autres choses et tu t’aperçois qu’il y a des choses plus graves que le foot dans la vie.Quand tu es professionnelle, tu es dans ta bulle, tu vis en décalage avec ce qu’il se passe dans la société. La fatigue est souvent psychologique car les exigences sont élevées et il y a beaucoup de pressions.

Avez-vous eu du mal à vous y habituer ?

J’avoue que ça n’a pas toujours été facile. Parfois, j’avais l’impression de ne servir à rien dans la société ! J’étais payée pour faire mon loisir. Génial mais spécial. Puis on m’a fait prendre conscience que j’étais un petit morceau de l’entreprise OL et que je contribuais à mon niveau à la vie de cette entreprise et donc à tout ce qui en découle derrière. Pendant 10 ans, j’ai joué en cumulant études/travail et foot et je m’étais habituée à être au taquet tout le temps. Je ne réfléchissais pas. J’étais “programmée” comme ça. Quand tu deviens professionnelle, il faut remplir les journées, je n’ai jamais été habituée à rester dedans, je suis née à la campagne et on passait les journées dehors. Du coup, il faut trouver des occupations. Cela m’a permis de faire des choses que je n’avais pas le temps de faire avant, je pense que j’ai visité tous les musées de Lyon.

Mener étude et sport de haut niveau en parallèle, c’est le mental qui fait la différence ?

C’est avant tout une organisation. Je n’ai pas eu trop de souci car j’aimais ce que je faisais que ce soit les études ou le sport. Les études étaient ma priorité. J’aurais arrêté le foot si ça n’avait pas été compatible car pour moi, assurer ma vie était plus important que mon loisir. Ensuite, le mental a sûrement joué un rôle important car il arrive que tu fasses des choix contraires à ce que tu as envie. Par exemple, tu dois parfois refuser certaines invitations ou autre car tu sais que si tu fais ça tu te mets des bâtons dans les roues !

Vous avez 92 sélections, quelle a été votre meilleure période chez les bleues ?

Je n’ai pas de meilleure période. J’ai toujours été contente d’aller en sélection. Il y a eu des périodes différentes mais je les ai toutes aimées. Au début c’était la découverte puis après je me suis un peu plus imposée jusqu’à ce qu’on utilise mon expérience. C’était cool ! L’équipe de France m’a permis de vivre des choses que je n’aurais jamais pu faire dans ma vie.

L’équipe de France Féminine a bien changé en 10 ans. Quel regard avez-vous là-dessus ?

Oui c’est vrai, l’évolution du foot féminin en France a fait que l’équipe de France a pris de l’importance. Mais c’est le travail de toutes ces années (plus de 10 ans même) qui fait que nous en sommes là aujourd’hui. Les filles d’avant se sont battues sans aucun moyen, si ce n’est leur volonté et leur amour pour le foot, pour avoir des résultats et obtenir petit à petit de la reconnaissance. C’est un cercle vicieux. On nous demandait des résultats pour avoir des moyens mais sans moyens c’était difficile ! Mais à force de volonté et de courage de la part des joueuses et aussi de tous ceux qui ont cru au foot féminin, on a réussi à obtenir quelques résultats qui ont permis la médiatisation et une meilleure considération de la discipline. Cela a été un tremplin pour l’évolution du foot féminin. Maintenant, il faut continuer le travail, il faut aller chercher un résultat dans une grande compétition afin de poursuivre cette évolution.

Vous avez choisi de partir en Suède, à Göteborg. C’est un choix de vie ou de foot ?

Les deux ! Je pense qu’en France j’ai tout connu côté football alors l’étranger pouvait être le seul moyen de me donner un nouveau challenge. Ensuite, je me suis dit que cela allait me permettre de voir une autre culture, d’apprendre une autre langue, même deux ! Le renouveau fait toujours du bien et c’est intéressant d’aller voir ailleurs ce qu’il se passe ailleurs.

C’est différent le foot en Suède ?

Ce sont les mêmes règles ! Je pense cependant que le foot féminin suédois à une marge d’avance concernant l’acceptation et la reconnaissance de la discipline. Ici, tu vois des petites filles jouer au foot partout. Il y a beaucoup de matchs retransmis et il y a toujours des infos sur le foot féminin. Au niveau du jeu, c’est plus physique et ils attachent de l’importance au travail d’équipe.

Et la vie, c’est comment ?

Ce n’est pas le bout du monde non plus. C’est similaire à ce qu’il se passe en France. De ce que j’ai pu voir pour le moment, les Suédois se contentent de peu. Ils ont l’air heureux ! Pour ma part, ma vie ici me plait mais je suis une privilégiée alors je ne sais pas ce qu’il se passe dans chaque foyer Suédois…

Comment voyez-vous le foot féminin dans l’avenir ?

J’espère qu’il va continuer à progresser et qu’on pourra offrir à chaque fille qui souhaitera faire de ce sport sa passion les conditions pour qu’elle puisse le faire. Il y a encore beaucoup de travail mais il y a beaucoup de gens qui s’investissent pour contribuer à cela alors c’est positif.

Après le foot, vous avez envie de quoi ?

J’ai déjà mon métier (professeur d’EPS) alors ça, c’est un bon point. Ensuite, si je peux aider à développer davantage le foot féminin en France, je le ferais. Je ne sais pas encore comment mais j’aime le foot, il m’a beaucoup donné alors j’essaierai certainement de rendre ce qui m’a été donné.

Quel est votre plus grand souvenir de foot ?

Sur le terrain, j’ai vécu tellement de belles choses que je ne pourrai pas sortir un souvenir en particulier. Ma tête est remplie de souvenirs ! Je ne sais pas si ça se comprend mais l’émotion est aussi forte quand tu gagnes ton petit tournoi en poussins que la Ligue des champions féminines. C’est une récompense du travail fourni au niveau dans lequel tu évolues. Alors je sortirai le tournoi de Chirac avec les poussins de Laissac, la victoire en Coupe du Midi avec l’équipe de Lioujas, la victoire contre Arsenal avec Toulouse, la victoire de Coupe de France avec Montpellier, la victoire de Ligue des Champions avec Lyon et la qualification pour les demi-finales de la Coupe du Monde avec l’équipe de France.

En dehors du terrain, je vais être banale mais je dirais la victoire de l’équipe de France lors de la finale de la Coupe du Monde en 98. Je n’ai jamais vu autant de liesse et de partage dans le peuple français !

 

Merci beaucoup Sabrina et god fortsättning

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